jeudi 10 avril 2014

La journée avait pourtant bien commencé ... (suite et fin)

Bien que je fusse située dans un quartier relativement homogène -à plusieurs niveaux- de Laval, je peux dire que j’en ai vu de toutes les couleurs durant cette journée. Heureusement, c’est ce qui colore ce texte me direz-vous! Cependant, comme chacun sait, après l’arc-en-ciel, le gros paquet de nuages gris …

J’en ai vu passer des bozos en ce 7 avril. Toute du bon monde. Un seul, un barbu ventru et bourru, a été brusque pas mal, en vociférant un « Anyway, je les ai déjà perdues mes élections, fait que pour ce que ça vaut! » tout en enfonçant son bulletin de vote dans l’urne avec l’énergie du désespoir, le cœur gros et la tête lourde. Madame D. s’est offusquée - avec retenue, évidemment - qu’un tel rustre ose nous brusquer ainsi, « Quel malotru! Quel goujat! » M’a-t-elle répété à maintes reprises tout au long de l’après-midi. Moi j’aurais aimé le prendre dans mes bras et lu frotter le dos, en lui faisant des tututututuuut. Je le comprenais tellement.

Et puis la journée a suivi son cours. J’en ai rencontré des drôles, des gênés, des pressés, des charmeurs, des insouciants, des résignés, des snobs, des excités, des exaspérés … mais toute du bon monde. J’étais tellement fière de la mobilisation, près de 85% des gens sur ma liste étaient venus voter!  Je me suis dit qu’ils ne pouvaient pas tous voter du bon bord, mais qu’ils ne pouvaient pas tous non plus voter du mauvais bord. Avec une lutte à quatre partis sérieux et à un je-serai-un-jour-un-grand-parti, ce n’est pas le choix qui manque. D’ailleurs, lorsqu’est venu le temps de dépouiller les votes, la lutte était très chaude. Un vote pour un, un autre pour l’autre, et presque autant pour le 3e. Un peu moins pour le 4e parti. Pis le 5e? Ben lui, y’a eu juste quatre votes, autant que le nombre de votes annulés. Mais bon, 4 votes x 1,50$, ça fait 6$ dans les poches du parti! Humm. Passons.

Vingt heures est finalement arrivé et avec lui le moment d’éventrer l’urne pour en décortiquer les entrailles. Pendant que j’additionnais les X sur les bulletins, un beat de film de suspense tournait en boucle dans ma tête et me restera en mémoire comme la bande sonore de mon lundi soir aux élections.  Lorsque le compte fut bon, mon cœur s’emballa alors je constatais que ma candidate, ma Bonnemine, figure emblématique parmi d’autres de la nation d’irréductibles que nous sommes, menait la course. Elle n’avait pas l’avance confortable la mimine, mais elle menait. De six gros votes sur le jeunot du collège. De dix sur monsieur j’augmenterai-promis-promis-les-salaires-des-profs-mais-finalement-dis-huit-mois-plus-tard-je-n’en n’ai-plus-les-moyens. Et de quarante-quelques sur l’équitable pointe de tarte.  Une belle répartition, à l’image du Québec et de sa diversité. J’avais vraiment le cœur joyeux. Le système a des ratés, mais il marche! Regardez! Un gouvernement minoritaire, où tous les partis sont bien représentés et par le fait même où tous les citoyens pourront d’une façon ou d’une autre y trouver leur compte. Moyennant évidemment un peu de bonne volonté politique, mais ça c’est une autre histoire.

Et puis le couperet est tombé, décapitant du fait même mes espoirs les plus fous pour ce peuple que j’aime d’amour et que j’enseigne à qui veut bien écouter. En allant porter l’urne engrossée de tous les formulaires dûment remplis, doublement signés et quadruplement scellés, j’ai demandé à la responsable du scrutin, le sourire niais rempli d’attentes, si elle avait une idée des résultats. À voir son sourire s’effacer, j’ai compris que je devais prendre mes jambes à mon cou et courir, courir, courir sans jamais me retourner. Pour une raison qui m’échappe, je suis demeurée là à la regarder m’annoncer, penaude telle une enfant que l’on punit, que Pierre Bruneau avait prédit un gouvernement Libéral majoritaire. Je me rappelle l’avoir remerciée et m’être rapidement dirigée vers l’extérieur… pas question que l’on me voie pleurer, ce n’est qu’une élection. Ce n’est que quatre ans. Ce n’est qu’un gouvernement. Ce n’est que … mais pourquoi ne puis-je pas m’arrêter de pleurer? Je dois être fatiguée. Je vais aller me coucher en arrivant. Pour ça il faudrait que j’y arrive, je ne vois rien, j’ai les yeux plein d’eau. Mon chum m’attend sur le pas de la porte, il m’a entendue arriver et sait que je serai démolie. Si je me connaissais aussi bien que lui me connait, je n’aurais pas demandé les résultats avant de partir de l’église. Et je serais montée me coucher. Mais comme mon comportement est souvent une série de « what the?» aux yeux de mon raisonnement, j’ai ouvert mon ordinateur et je suis allée voir ce qu’en pensait Facebook. Erreur. Non seulement la plupart de mes amis étaient consternés, ils  étaient atterrés. Rien pour me remonter le moral. Ne pas réélire le PQ c’est une chose, il a un peu couru après. Mais élire, d’une importante majorité dois-je le rappeler, les Libéraux dont nous savons tous qu’ils sont corrompus jusqu’à la moelle? Pourquoi pas la CAQ? Ou Québec solidaire? Même Option nationale est un choix éclairé comparativement à toutes ces personnes que l’on voit défiler devant madame la juge, l’air repenti mais les doigts croisés dans le dos.

 Les fils se sont touchés, je me suis dit qu’au lieu d’insulter personnellement tous ceux qui se vantaient d’avoir gagné leurs élections, (mais dont la jouissance réelle était de voir la première ministre sortante perdre le pouvoir) mieux valait faire un appel à tous générique : tu as voté Libéral, (lire : tu as voté contre le français, contre la dette, pour la corruption et le multiculturalisme, contre les programmes sociaux et la culture, pour la toute-puissante entreprise privée et la collusion, tu as voté pour Sam Hamad et Gaétan Barette, tu as voté contre la Commission Charbonneau et pour la signature de la constitution canadienne, tu as voté pour Gilles Vaillancourt et Tony Accurso… ok, on arrête là, ma pression monte.) Bref, tu as voté Libéral, alors tu mérites mon mépris. Je l’ai regretté après. Je me suis rappelée que des amies très proches prévoyaient voter Libéral et que je les avais sûrement blessées. Je me suis rappelée que c’est par l’éducation que l’on change les mentalités et non pas par l’arrogance et la hargne. Je me suis rappelée que mon beau grand pays, il va falloir que je l’explique aux autres, pour qu’ils cessent d’en avoir peur. Qu’il va falloir que je leur montre d’où l’on vient, d’où cette soif de liberté et d’indépendance est issue et ce qu’a traversé le Québec depuis bientôt 500 ans pour en arriver là. Surtout, surtout, il va falloir que je me rappelle que ma nation a déjà affronté des périls bien pires que quatre années de mauvais gouvernement.

Et qu'à vaincre sans péril on triomphe sans gloire.  

3 commentaires:

  1. il faudrait enseigner et faire comprendre aux nouvelles générations l,histoire du quebec afin qu,ils sachent pourquoi on tient tant a nos valeurs, notre langue et ce pourquoi on s,est tant battu a travers le temps avant qu,on soit completement assimilé par tout ces nouveaux immigrants qui recherchent que la paix et la liberté d,expression de leurs valeurs au detrimant des notres!!! bravo pour ton texte...tu as parfaitement raison Catherine!!

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  2. La nouvelle immigrante que je suis , aime le Français , aime l'indépendance et aime le Québec ... La plupart de mon entourage (nouveaux immigrants) aussi se sont beaucoup impliqués pour ce pays mais ils se sont senti trahi par le parti québécois , pour qui ils ont voté toute leur vie ici depuis les années 80 et même avant , ils se sont senti exclu de l'équation indépendantiste , alors soit ils ont voté Québec solidaire , car comme moi, ils tenaient malgré tout à l'indépendance et aux valeurs de ce pays , soit ils en avaient ras le bol de se faire traiter comme citoyen de second degrés , ou toujours comme immigrants, ils veulent seulement se sentir comme citoyen à part entière , après tout , ils ont tout laisser derrière eux , leur pays , leurs familles et ont adopté le Québec comme un tout qui remplace le tout . alors ils se sont dirigé vers le parti libéral avec un cœur serré , juste pour lancer un message , on est là et on a voté tout le temps PQ , on parle le français mieux que quinconce, on croit à l'indépendance plus que jamais , car on y a gouté du colonialisme et du protectionnisme , nos valeurs ne diffèrent en rien de vos valeurs si on vous voyez bien nous aussi on croit mordicus en l'égalité homme - femme entre autres valeurs humanistes et universelles dont tout le monde adhère , car on est là pour ça aussi , on a pas fui la guerre ou la misère .
    Pour conclure , je tiens à dire , Un pays ça se fait avec tous les composants de ceci .

    Catherine , bravo pour ton beau texte !!! Je comprends tous ce que tu as senti ce jour là , je sais que ce n'est pas facile , moi aussi je suis triste de voir les libéraux majoritaire ...

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  3. Merci pour vos compliments, mais surtout de partager vos opinions et vos réalités. Il ne faut pas abandonner et partager notre amour du Québec et du fait français!

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