lundi 26 décembre 2016

Mélancolie festive

Je me rappelle d'un Noël où ma mère, au grand dam de mon père, avait décidé de troquer la traditionnelle dinde pour de toutes mignonnes cailles. Je les revois encore, les deux petites volailles dorées, bien délicates à côté de patates plus si grelot que ça. Je me rappelle que le regard exaspéré du paternel contrastait effrontément avec la fierté pétillante qui envahissait ma mère, lorsqu'elle a déposé nos assiettes sur la table.

Dieu qu'elle me manque.

Elle me manque tout le temps, mais comme la douleur liée à sa perte est proportionnellement inverse au niveau de bonheur ambiant, elle me manque cruellement dans le temps des Fêtes.

Quand j'ai scrapé mon sucre à la crème, j'aurais aimé l'appeler pour lui dire que ce qu'il y a de cool avec mon époque, c'est que je peux faire passer ça sur le dos d'un lutin. Pis que je peux le publier sur Facebook pour faire rire mes amis, ou l'écrire ici pour en faire pleurer d'autres.

Quand nous avons fait notre sapin, j'aurais aimé lui en envoyer une photo. Je lui aurais montré qu'heureusement, les pins ne sont plus tendance en 2016 mais que je m'ennuie de mettre des glaçons métalliques sur chaque épine de notre estival conifère. D'ailleurs, ça me fait penser qu'étrangement je m'ennuie de ses guirlandes métalliques en accordéon, celles qu'elle accrochait au plafond en pinçant les lèvres, de peur que le papier collant arrache la peinture une fois les Fêtes passées.

Quand pour la première fois de la saison l'Homme a fait vibrer la maison de ses festifs rigodons, j'aurais aimé lui dire de passer faire un tour, de venir voir comme ses petits fils ont la même étincelle qu'elle dans les yeux, lorsqu'ils rient. En fait, s'il n'y a qu'une chose que j'aurai retenu de son passage dans ma vie, c'est définitivement l'importance d'embraser les regards. De toujours garder la flamme vive.

Lors du réveillon de Noël, j'aurais aimé qu'elle me raconte ceux de mon enfance. Surtout ceux, toute petite. Le souvenir que j'en ai est fade et délavé, tellement il a été ressassé. J'aurais aimé qu'elle soit là, et elle aurait probablement adoré y être. Je me rappelle encore comment elle se promettait d'être une grand-maman gâteau, tarte et bonbon, alors que je n'avais que 12 ans à peine. Ça aurait été son meilleur rôle à vie, à n'en point douter.

Si elle avait encore été parmi nous, je pense que cette année je lui aurais cuisiné des cailles, question de la faire rire et de voir une fois de plus dans ses yeux, l'étincelle qui rayonne aujourd'hui encore, à travers mes garçons.

dimanche 25 octobre 2015

C'était un de ces matins dont le froid vous glace jusqu'à l'âme

Il y avait le même vent frais et humide qui me rongeait la joie de vivre, ce printemps. Nous sommes désormais l'automne et il est encore là, le même souffle terreux, embrumé, poignant. Comme si le fond de l'air qui m'entoure souffrait, lui aussi, de cette perte. Il pleuvait tantôt, l'allégorie de la nature en deuil était alors complète. 

La musique mélancolique qui m'enveloppe joue-t-elle seulement dans ma tête? Je ne saurais dire, car même lorsque je baigne dans le silence, des notes, plaignardes et langoureuses, tapotent sur les touches écorchées de mes sentiments. Jusqu'à aujourd'hui leur présence m'était apaisante car elles m'évitaient d'avoir à remplir le silence de mes sanglots, mais elles ne me sont plus nécessaires. Du déni je suis passée à la colère. Et ma colère n'a rien à faire de ma langueur. La colère veut de la rage, de l'anarchie, de la haine... Je dois bien en avoir quelque part dans mon iPod. 

Je n'ai pas le temps de chercher, les installateurs d'épitaphe sont là. Ils viennent d'arriver, guillerets. S'ils savaient que leur granit, même joliment taillé, est mille fois moins lourd que mon désespoir, ils ravaleraient leur air sympathique. Lointaine est l'époque où les croque-morts et leurs acolytes avaient la décence d'afficher le physique de l'emploi. Savent-ils seulement que cet homme était ma plus grande fierté et ma plus grande honte, tout à la fois? Lors des froides nuits d'hiver, lorsque la bise glaciale pénètre avec agonie dans toutes les interstices de la maison, je crois entendre résonner l'écho de ses colères légendaires.  Cette même maison qu'il m'a offerte avec tout l'amour de l'univers, tout juste avant de revenir mourir sur sa terre natale. Tant d'amour et tant de haine en même temps, expliquent sans doute le gênant soulagement qui côtoie l'immense vide qui m'habitent depuis son départ. La terre est gorgée d'eau et la fondation, coulée il y a déjà quelques semaines, semble encore dégoulinante. Mais ce n'est qu'illusion, elle est aussi dure et froide que la lourde stèle qu'elle s'apprête à recevoir. 


Les gais lurons blaguent un peu, soucieux de détendre l'atmosphère. Ces pauvres fous ne savent toujours pas qu'ils se trouvent dans un cimetière, à une semaine de la Toussaint. Je souris, pour chasser le probable malaise s'ils réalisaient que je suis déjà à des millions de kilomètres de leurs facéties. Je suis en raquettes, je suis toute jeune. Je suis juste derrière mon père. J'ai mes belles jambières multicolores et j'adore le son de ces larges pieds de babiche s'enfonçant dans la neige craquante. La forêt s'est tue pour écouter les oiseaux se dire à quel point il fait froid. Le moment est parfait.

Ils me ramènent brutalement dans ce village que je déteste pour m’annoncer que c’est maintenant officiel ma p’tite madame, une lourde part de vous est maintenant solidement fixée en son sol. Je les en remercie. Probablement par habitude, car chacune de mes cellules leur crie d’aller se faire foutre, que s’ils ont fini leur sale boulot, qu’ils décâlissent, que je ne les paie pas pour être gentils. 

Tout ce que je leur ai demandé c’est d’installer un bout de roche pour que les oiseaux sachent à quel endroit venir chialer, maintenant que papa ne peut plus faire de raquette. 

samedi 24 octobre 2015

Je savais que tu y serais ...

... Et je savais que cette soirée se terminerait ainsi. À chaque fois, c'est toi. Même lorsque ce n'est pas vraiment toi, qui m'afflige et me gave de ta présence, c'est encore toi. Tout me ramène à toi, malgré moi. Chaque son, chaque lueur, chaque vibration imposée à mon être dans le tumulte de ces soirées, me ramène à toi. Je le jure, tous mes efforts sont voués à t'éloigner de moi, t'effacer et t'oublier... mais tu reviens toujours. Comme hier soir...

Tu y étais, encore une fois. Je t'y ai vu, je t'ai même senti venir vers moi, t'approcher, surnoisement, jusqu'à être si près que je te sentais presque, m'effleurant le haut de la nuque. J'imaginais déjà la sensation de frisson qui m'envahit, lorsque qu'habituellement, de ce point, tu remontes tout doucement, m'étreignant la base du crâne tout en faisant délicatement monter ma température corporelle. Seul toi sais me faire perdre tous mes moyens ainsi. Entrer dans mon esprit, t'y installer et prendre le contrôle.

Je savais que tu serais là, car c'est ton genre d'endroit. La musique, qui tambourine sur chacune de mes cellules son lourd tempo. Le bar, tellement bondé que tous les sens sont aux aguets, tel un éveil soudain des instincts primitifs lorsque au détour d'un effleurement, les âmes se touchent. La game, ainsi que les cris et les feux d'artifice qu'elle entraine à sa suite. Toute cette tension mondaine, cette pression excessive sur les esprits, c'est ce qui t'allume et j'irais même jusqu'à dire que tu en émane. Et cette nuit tu m'en as aspergée. Salaud.

J'en étais pleine ce matin. Particulièrement dans le haut de la nuque... à savoir que c'est ce qui t'attire chez moi. Tu y es entré et t'y es installé, comme tu l'as déjà fait si souvent avant. Chaque fois, je me dis que c'est la dernière. que plus jamais on ne m'y prendra. Que plus jamais je ne réunirai les conditions te permettant de m'envahir et me tourmenter ainsi ... Et pourtant ... Je pourrais facilement croire que tu aimes me faire souffrir. Que ta présence dans mon esprit, bien qu'elle me cause à chaque fois supplice et affliction, te remplisse d'aise.

Tous les éléments étaient réunis, hier soir, pour que tu y sois... et effectivement, je t'y ai vu. Je savais qu'en allant dans ce bar hier, comme à chaque fois, je sortirais de là avec ...

... un ostie de mal de tête.  

jeudi 10 juillet 2014

Tu savais pas?

Oui monsieur, moi, j'ai allaité. Mon premier, pis mon deuxième bébé. Aaaaahhh pas longtemps par contre. Ça ne se compte même pas en année. Mais j'ai allaité, oui! oui! De mon sein maternel a jaillit une quantité substancielle d'or blanc.

Tu savais pas? T'es sûr? Pourtant ...

Tu n'as pas vu mes quelques 78 statuts Facebook sur le sujet? Tu sais, ceux où je te tenais informé jour après jour de l'alimentation parfaitement équilibrée et naturellement saine que je prodigue à mon bébé en l'allaitant? Je suis si heureuse que Zuckerberg me permette maintenant de montrer à tous le scintillant bonheur qui m'anime lorsque je rempli mon bébé de lait. Tu n'as pas non plus vu ma photo de profil, où je partage avec la planète l'extase émouvante d'une communion sacrée entre une mère et son fils? Arrête. J'suis sûre que tu l'as vue, on y voyait même mon autre toton qui faisait des tatas. Non? Ah bon.

Tu ne m'as pas vue, sur ton fil Facebook, en train d'allaiter, totons à l'air et gerçures au frais, pendant que je portais mon garçon dans un sling en coton bio? C'était juste après la photo où j'allaitais dans la piscine et avant celle où on voit bébé couché sur le torse nu de mon chum, la bouche grande ouverte comme s'il lui sucottait le mamelon! Haha! C'est sûr que tu l'as vue celle-là! Trop drôle.   ... Non? T'es certain?

Tu ne savais pas que j'avais même été allaiter dans une rassemblement de mamans qui allaitent lors du dernier congrès des mères allaitantes associées et enregistrées? On en a fait un vidéo qui a été vu des milliers de fois sur YouTube. La tivi était là, tout le gros it. Ils ont tout filmé, partout y'avait plein de bébés qui se bourraient la face goulûment, leur p'tit nez enfoui dans nos gros lolos! Allaiter c'est bien, mais allaiter toutes ensembles sur une p'tite chaise carrée ben alignées devant un stage dans un sous-sol d'église, c'est magique! Faut vraiment que tu voies ça.

Dans ce cas, tu as sûrement entendu parler au moins une fois, au détour d'une conversation ou peut-être même aux nouvelles, du fait que j'ai allaité? Ce que veux dire, c'est que ça intéresse tout le monde de savoir que j'ai donné le sein, alors je me fais un devoir de répendre la Bonne Nouvelle. C'est d'ailleurs le mandat que je me suis donnée en partageant mon expérience laiteuse avec tous mes proches. Et avec les voisins et un coup parti, tout le quartier. De toute façon, tel est mon droit, après tout. J'ai donné la vie, môa.

Ça ne te dit vraiment rien? Dans ce cas, tu dois sûrement être au courant que j'ai courru 37 km en 10 minutes non? Pourtant ... je m'efforce d'en informer tout Facebook aux deux, trois jours maximum.

Ça intéresse tout le monde, tout le monde sait ça.



lundi 5 mai 2014

On lira quand on sera mort.

L’autre jour, à la friperie locale, il y avait une vente de livres usagés et je m’en suis procuré un, qui est en fait un classique dans ma profession, Émile ou De l’édu

-          « Étienne, lâche l’écran du portable, tu vas le briser. »

cation, écrit par Jean-Jacques …

-          « Guillaume bâtard, c’est quoi l’idée de licher mon écran? Tu te demandais vraiment ce que ça pouvait goûter?! »

… Rousseau. Non seulement c’est un livre que j’aurais dû lire à l’université, mais je devrais même être en mesure de pouvoir en réciter des extraits, question d’impressionner mon directeur et d’embêter mes a…

-          « Ben oui Guillaume, c’est très drôle un gant sur ton pied. ÉTIENNE! Arrête de faire tes dents sur la table du salon!»

…mis. Mais non, même s’il s’agit là d’une œuvre magistrale, je n’ai jamais lu le bouquin de Rousseau. En fait je n’ai même jamais lu un de ses écrits. On m’en a déjà exposé les idées générales, j’ai même déjà fait des travaux sur sa vision de l’éducation, mais je n’avais jamais lu l’œuvre intégrale. Alors je me suis procuré l’ouvrage de poche pour probablement le même montant qu’on dû le payer les lecteurs de l’époque, si ce n’était de l’inflation.

Ce n’est qu’une fois arrivée à la maison que j’ai réalisé quel geste inconscient je venais de faire.

-          « Ben oui mon bébé, maman va lâcher l’ordinateur et aller te faire à dîner. Donne-moi deux secondes, j’arrive au punch là. »

J’avais acheté un livre.  Comme lorsque j’étais jeune, insouciante et ...

-          « Guillaume arrête de pleurer, Étienne n’a pas pu te mordre SI fort, c’est juste qu’il a faim là… »

… libre. Libre de mon temps, libre de mes gestes, libre de penser.  J’avais le temps, jadis, de me verser une coupe de vin, de m’asseoir dans mon fauteuil préféré et de me perdre dans une avalanche de mots. Maintenant, quand j’attrape au vol un cinq minutes de plénitude, j’engouffre mon vin, préalablement versé dans un verre de plastique, question que …

-          « Et le tournoi de baseball dans la maison, c’est l’idée de qui?  »

… vous aurez compris. Lorsque, mon gobelet de super-héros plein à ras bord de vin dans la main, je fais preuve de ruse pour éloigner l’ennemi (de 5 ans à peine, mais aux âmes bien nées …) de mon précieux fauteuil, c’est plutôt sous une avalanche de jouets et de trucs gluants non-identifiés que je me retrouve.


Et c’est ainsi qu’Émile ira rejoindre Astérix chez les Pictes que je n’ai même pas encore ouvert et L’Ombre du vent, que j’avais eu la chance d’entamer, alors que je passais une nuit dans ce tout-inclus à l’occasion de la naissance de mon deuxième gobeur de temps. Il ira ajouter de la hauteur à cette tour de livres que j’aurais dévorée dans ma vie d’avant, mais dont je ne peux qu’humer la délicate odeur de papier fraîchement imprimé dans celle-ci.    

jeudi 10 avril 2014

La journée avait pourtant bien commencé ... (suite et fin)

Bien que je fusse située dans un quartier relativement homogène -à plusieurs niveaux- de Laval, je peux dire que j’en ai vu de toutes les couleurs durant cette journée. Heureusement, c’est ce qui colore ce texte me direz-vous! Cependant, comme chacun sait, après l’arc-en-ciel, le gros paquet de nuages gris …

J’en ai vu passer des bozos en ce 7 avril. Toute du bon monde. Un seul, un barbu ventru et bourru, a été brusque pas mal, en vociférant un « Anyway, je les ai déjà perdues mes élections, fait que pour ce que ça vaut! » tout en enfonçant son bulletin de vote dans l’urne avec l’énergie du désespoir, le cœur gros et la tête lourde. Madame D. s’est offusquée - avec retenue, évidemment - qu’un tel rustre ose nous brusquer ainsi, « Quel malotru! Quel goujat! » M’a-t-elle répété à maintes reprises tout au long de l’après-midi. Moi j’aurais aimé le prendre dans mes bras et lu frotter le dos, en lui faisant des tututututuuut. Je le comprenais tellement.

Et puis la journée a suivi son cours. J’en ai rencontré des drôles, des gênés, des pressés, des charmeurs, des insouciants, des résignés, des snobs, des excités, des exaspérés … mais toute du bon monde. J’étais tellement fière de la mobilisation, près de 85% des gens sur ma liste étaient venus voter!  Je me suis dit qu’ils ne pouvaient pas tous voter du bon bord, mais qu’ils ne pouvaient pas tous non plus voter du mauvais bord. Avec une lutte à quatre partis sérieux et à un je-serai-un-jour-un-grand-parti, ce n’est pas le choix qui manque. D’ailleurs, lorsqu’est venu le temps de dépouiller les votes, la lutte était très chaude. Un vote pour un, un autre pour l’autre, et presque autant pour le 3e. Un peu moins pour le 4e parti. Pis le 5e? Ben lui, y’a eu juste quatre votes, autant que le nombre de votes annulés. Mais bon, 4 votes x 1,50$, ça fait 6$ dans les poches du parti! Humm. Passons.

Vingt heures est finalement arrivé et avec lui le moment d’éventrer l’urne pour en décortiquer les entrailles. Pendant que j’additionnais les X sur les bulletins, un beat de film de suspense tournait en boucle dans ma tête et me restera en mémoire comme la bande sonore de mon lundi soir aux élections.  Lorsque le compte fut bon, mon cœur s’emballa alors je constatais que ma candidate, ma Bonnemine, figure emblématique parmi d’autres de la nation d’irréductibles que nous sommes, menait la course. Elle n’avait pas l’avance confortable la mimine, mais elle menait. De six gros votes sur le jeunot du collège. De dix sur monsieur j’augmenterai-promis-promis-les-salaires-des-profs-mais-finalement-dis-huit-mois-plus-tard-je-n’en n’ai-plus-les-moyens. Et de quarante-quelques sur l’équitable pointe de tarte.  Une belle répartition, à l’image du Québec et de sa diversité. J’avais vraiment le cœur joyeux. Le système a des ratés, mais il marche! Regardez! Un gouvernement minoritaire, où tous les partis sont bien représentés et par le fait même où tous les citoyens pourront d’une façon ou d’une autre y trouver leur compte. Moyennant évidemment un peu de bonne volonté politique, mais ça c’est une autre histoire.

Et puis le couperet est tombé, décapitant du fait même mes espoirs les plus fous pour ce peuple que j’aime d’amour et que j’enseigne à qui veut bien écouter. En allant porter l’urne engrossée de tous les formulaires dûment remplis, doublement signés et quadruplement scellés, j’ai demandé à la responsable du scrutin, le sourire niais rempli d’attentes, si elle avait une idée des résultats. À voir son sourire s’effacer, j’ai compris que je devais prendre mes jambes à mon cou et courir, courir, courir sans jamais me retourner. Pour une raison qui m’échappe, je suis demeurée là à la regarder m’annoncer, penaude telle une enfant que l’on punit, que Pierre Bruneau avait prédit un gouvernement Libéral majoritaire. Je me rappelle l’avoir remerciée et m’être rapidement dirigée vers l’extérieur… pas question que l’on me voie pleurer, ce n’est qu’une élection. Ce n’est que quatre ans. Ce n’est qu’un gouvernement. Ce n’est que … mais pourquoi ne puis-je pas m’arrêter de pleurer? Je dois être fatiguée. Je vais aller me coucher en arrivant. Pour ça il faudrait que j’y arrive, je ne vois rien, j’ai les yeux plein d’eau. Mon chum m’attend sur le pas de la porte, il m’a entendue arriver et sait que je serai démolie. Si je me connaissais aussi bien que lui me connait, je n’aurais pas demandé les résultats avant de partir de l’église. Et je serais montée me coucher. Mais comme mon comportement est souvent une série de « what the?» aux yeux de mon raisonnement, j’ai ouvert mon ordinateur et je suis allée voir ce qu’en pensait Facebook. Erreur. Non seulement la plupart de mes amis étaient consternés, ils  étaient atterrés. Rien pour me remonter le moral. Ne pas réélire le PQ c’est une chose, il a un peu couru après. Mais élire, d’une importante majorité dois-je le rappeler, les Libéraux dont nous savons tous qu’ils sont corrompus jusqu’à la moelle? Pourquoi pas la CAQ? Ou Québec solidaire? Même Option nationale est un choix éclairé comparativement à toutes ces personnes que l’on voit défiler devant madame la juge, l’air repenti mais les doigts croisés dans le dos.

 Les fils se sont touchés, je me suis dit qu’au lieu d’insulter personnellement tous ceux qui se vantaient d’avoir gagné leurs élections, (mais dont la jouissance réelle était de voir la première ministre sortante perdre le pouvoir) mieux valait faire un appel à tous générique : tu as voté Libéral, (lire : tu as voté contre le français, contre la dette, pour la corruption et le multiculturalisme, contre les programmes sociaux et la culture, pour la toute-puissante entreprise privée et la collusion, tu as voté pour Sam Hamad et Gaétan Barette, tu as voté contre la Commission Charbonneau et pour la signature de la constitution canadienne, tu as voté pour Gilles Vaillancourt et Tony Accurso… ok, on arrête là, ma pression monte.) Bref, tu as voté Libéral, alors tu mérites mon mépris. Je l’ai regretté après. Je me suis rappelée que des amies très proches prévoyaient voter Libéral et que je les avais sûrement blessées. Je me suis rappelée que c’est par l’éducation que l’on change les mentalités et non pas par l’arrogance et la hargne. Je me suis rappelée que mon beau grand pays, il va falloir que je l’explique aux autres, pour qu’ils cessent d’en avoir peur. Qu’il va falloir que je leur montre d’où l’on vient, d’où cette soif de liberté et d’indépendance est issue et ce qu’a traversé le Québec depuis bientôt 500 ans pour en arriver là. Surtout, surtout, il va falloir que je me rappelle que ma nation a déjà affronté des périls bien pires que quatre années de mauvais gouvernement.

Et qu'à vaincre sans péril on triomphe sans gloire.  

mercredi 9 avril 2014

La journée avait pourtant bien commencé ... (2 de 3)

Monsieur Mo nous a parlé un peu de son Maroc natal, que ses parents avaient immigré ici principalement pour offrir à son frère et lui une meilleure éducation, mais que dès qu’il en aurait la chance, il retournerait là-bas. Ses parents y possèdent encore un appartement que la famille occupe tous les étés, à 15 minutes de l’océan. Ça m’a fait penser à mon père qui aimerait tellement qu’après son décès, j’utilise son bungalow du fin fond de l’Ontario rurale comme chalet. «Yien que vingt minutes de becycle pis t’arrives à un beau p’tit marais où tu peux pêcher du brochet long d’même! ». Ouiiii papa.  

Je vous raconte ça et on a eu l’air d’avoir jasé toute la journée, mais détrompez-vous. Nous nous sommes démenés pour permettre à la plèbe d’exercer son droit le plus fondamental. Dès l’ouverture, il y avait foule. On faisait la file pour choisir qui sera le prochain à représenter notre petite circonscription lavalloise. Allait-on reconduire le mandat octroyé à la députée péquiste sortante? Fort sympathique d’ailleurs, la dame. Plus petite que sur sa photo de pancarte, quoique perchée moins haute, elle me faisait penser à Bonnemine, mais teinte en brun. Elle, tout comme le jeunot du parti Libéral, sont venus serrer des mains. Ce dernier a dit en voyant la canette de thé glacé format gros cochon de monsieur Mo « Haha! Très bon choix, moi aussi j’en ai bu en masse au collège». On en apprend beaucoup sur les gens selon qu’ils utilisent le terme collège ou CÉGEP.

Madame D. elle, n’aurait jamais osé boire son 10 litres de thé glacé à la table, elle a dû me répéter 23 fois que ça la gênait tellement de manger son sandwich devant le monde. Elle enviait mon sandwich sur pain baguette et m’a avoué qu’elle avait choisi de faire le sien avec du pain tranché parce que ça s’avalait plus vite. En fait, elle a fait ça tellement vite que je ne me rappelle pas l’avoir vue mâcher. Elle m’en a avoué pas mal des affaires cette journée-là. Entre autres que sa voisine d’en face, celle qui est là-bas et qui s’en va voter à l’autre table, ben elle l’a invitée à son mariage et elle la considère comme sa deuxième mère … « mais comprends-tu, je ne la connais presque pas! Que veux-tu que j’aille faire là ma foi du Bon Dieu? ». Elle m’a aussi avoué que son sac à lunch, c’était sa belle-sœur qui lui avait prêté et que ça n’avait toujours ben pas de bon sens de faire des sacs à lunch aussi roses. Une vraie belle petite madame.


 J’ai été gâtée en p’tite madame ce jour-là … il y a d’abord eu ma plus vieille. Née en avril 1929. Je lui ai dit, avec mon sourire des dimanches ensoleillés, que c’était notre électrice la plus âgée de la liste! Dans un rictus, elle m’a craché au visage qu’elle n’en avait rien à foutre et que j’avais intérêt à lui sacrer patience, qu’on en finisse.  En fait son dentier était trop grand, je n’ai rien compris, mais c’est ce que j’en ai déduit.  Il y a ensuite eu notre Asiatique, si fraîchement arrivée que je n’étais pas sûre qu’elle l’ait réalisé encore. Son mari nous a demandé s’il pouvait voter pour elle.  Nous lui avons répondu non. Il nous a demandé s’il pouvait aller avec elle derrière l’isoloir pour lui montrer pour qui voter. Nous lui avons répondu non. Il a compté les candidats, il lui a dit de voter pour le troisième. Elle est allée derrière l’isoloir. Elle est revenue et a eu l’air de lui demander, « À partir d’en bas ou à partir d’en haut? ». C’est à ce moment que je me suis pris la tête entre les mains et que j’ai pleuré.  Elle est allée derrière l’isoloir et est revenue. Elle nous a montré son vote pour nous demander si c’était le bon candidat qu’elle avait choisi. Madame D. m’a regardée, je l’ai regardée, monsieur Mo a pris une gorgée de thé glacé, nous rêvions tous d’être ailleurs. J’ai eu une pensée pour  Guy Nantel.  J’ai expliqué à la dame, en anglais of course, que le vote devait être secret. Elle a souri de honte, j’ai souri de rage, son mari a souri de gêne, elle a déchiré son vote au mauvais endroit, il a fallu tout recommencer. Shit. 

À suivre ...