dimanche 25 octobre 2015

C'était un de ces matins dont le froid vous glace jusqu'à l'âme

Il y avait le même vent frais et humide qui me rongeait la joie de vivre, ce printemps. Nous sommes désormais l'automne et il est encore là, le même souffle terreux, embrumé, poignant. Comme si le fond de l'air qui m'entoure souffrait, lui aussi, de cette perte. Il pleuvait tantôt, l'allégorie de la nature en deuil était alors complète. 

La musique mélancolique qui m'enveloppe joue-t-elle seulement dans ma tête? Je ne saurais dire, car même lorsque je baigne dans le silence, des notes, plaignardes et langoureuses, tapotent sur les touches écorchées de mes sentiments. Jusqu'à aujourd'hui leur présence m'était apaisante car elles m'évitaient d'avoir à remplir le silence de mes sanglots, mais elles ne me sont plus nécessaires. Du déni je suis passée à la colère. Et ma colère n'a rien à faire de ma langueur. La colère veut de la rage, de l'anarchie, de la haine... Je dois bien en avoir quelque part dans mon iPod. 

Je n'ai pas le temps de chercher, les installateurs d'épitaphe sont là. Ils viennent d'arriver, guillerets. S'ils savaient que leur granit, même joliment taillé, est mille fois moins lourd que mon désespoir, ils ravaleraient leur air sympathique. Lointaine est l'époque où les croque-morts et leurs acolytes avaient la décence d'afficher le physique de l'emploi. Savent-ils seulement que cet homme était ma plus grande fierté et ma plus grande honte, tout à la fois? Lors des froides nuits d'hiver, lorsque la bise glaciale pénètre avec agonie dans toutes les interstices de la maison, je crois entendre résonner l'écho de ses colères légendaires.  Cette même maison qu'il m'a offerte avec tout l'amour de l'univers, tout juste avant de revenir mourir sur sa terre natale. Tant d'amour et tant de haine en même temps, expliquent sans doute le gênant soulagement qui côtoie l'immense vide qui m'habitent depuis son départ. La terre est gorgée d'eau et la fondation, coulée il y a déjà quelques semaines, semble encore dégoulinante. Mais ce n'est qu'illusion, elle est aussi dure et froide que la lourde stèle qu'elle s'apprête à recevoir. 


Les gais lurons blaguent un peu, soucieux de détendre l'atmosphère. Ces pauvres fous ne savent toujours pas qu'ils se trouvent dans un cimetière, à une semaine de la Toussaint. Je souris, pour chasser le probable malaise s'ils réalisaient que je suis déjà à des millions de kilomètres de leurs facéties. Je suis en raquettes, je suis toute jeune. Je suis juste derrière mon père. J'ai mes belles jambières multicolores et j'adore le son de ces larges pieds de babiche s'enfonçant dans la neige craquante. La forêt s'est tue pour écouter les oiseaux se dire à quel point il fait froid. Le moment est parfait.

Ils me ramènent brutalement dans ce village que je déteste pour m’annoncer que c’est maintenant officiel ma p’tite madame, une lourde part de vous est maintenant solidement fixée en son sol. Je les en remercie. Probablement par habitude, car chacune de mes cellules leur crie d’aller se faire foutre, que s’ils ont fini leur sale boulot, qu’ils décâlissent, que je ne les paie pas pour être gentils. 

Tout ce que je leur ai demandé c’est d’installer un bout de roche pour que les oiseaux sachent à quel endroit venir chialer, maintenant que papa ne peut plus faire de raquette. 

samedi 24 octobre 2015

Je savais que tu y serais ...

... Et je savais que cette soirée se terminerait ainsi. À chaque fois, c'est toi. Même lorsque ce n'est pas vraiment toi, qui m'afflige et me gave de ta présence, c'est encore toi. Tout me ramène à toi, malgré moi. Chaque son, chaque lueur, chaque vibration imposée à mon être dans le tumulte de ces soirées, me ramène à toi. Je le jure, tous mes efforts sont voués à t'éloigner de moi, t'effacer et t'oublier... mais tu reviens toujours. Comme hier soir...

Tu y étais, encore une fois. Je t'y ai vu, je t'ai même senti venir vers moi, t'approcher, surnoisement, jusqu'à être si près que je te sentais presque, m'effleurant le haut de la nuque. J'imaginais déjà la sensation de frisson qui m'envahit, lorsque qu'habituellement, de ce point, tu remontes tout doucement, m'étreignant la base du crâne tout en faisant délicatement monter ma température corporelle. Seul toi sais me faire perdre tous mes moyens ainsi. Entrer dans mon esprit, t'y installer et prendre le contrôle.

Je savais que tu serais là, car c'est ton genre d'endroit. La musique, qui tambourine sur chacune de mes cellules son lourd tempo. Le bar, tellement bondé que tous les sens sont aux aguets, tel un éveil soudain des instincts primitifs lorsque au détour d'un effleurement, les âmes se touchent. La game, ainsi que les cris et les feux d'artifice qu'elle entraine à sa suite. Toute cette tension mondaine, cette pression excessive sur les esprits, c'est ce qui t'allume et j'irais même jusqu'à dire que tu en émane. Et cette nuit tu m'en as aspergée. Salaud.

J'en étais pleine ce matin. Particulièrement dans le haut de la nuque... à savoir que c'est ce qui t'attire chez moi. Tu y es entré et t'y es installé, comme tu l'as déjà fait si souvent avant. Chaque fois, je me dis que c'est la dernière. que plus jamais on ne m'y prendra. Que plus jamais je ne réunirai les conditions te permettant de m'envahir et me tourmenter ainsi ... Et pourtant ... Je pourrais facilement croire que tu aimes me faire souffrir. Que ta présence dans mon esprit, bien qu'elle me cause à chaque fois supplice et affliction, te remplisse d'aise.

Tous les éléments étaient réunis, hier soir, pour que tu y sois... et effectivement, je t'y ai vu. Je savais qu'en allant dans ce bar hier, comme à chaque fois, je sortirais de là avec ...

... un ostie de mal de tête.