Monsieur Mo nous a parlé un peu de son Maroc natal, que ses
parents avaient immigré ici principalement pour offrir à son frère et lui une
meilleure éducation, mais que dès qu’il en aurait la chance, il retournerait
là-bas. Ses parents y possèdent encore un appartement que la famille occupe
tous les étés, à 15 minutes de l’océan. Ça m’a fait penser à mon père qui
aimerait tellement qu’après son décès, j’utilise son bungalow du fin fond de l’Ontario
rurale comme chalet. «Yien que vingt minutes de becycle pis t’arrives à un
beau p’tit marais où tu peux pêcher du brochet long d’même! ». Ouiiii
papa.
Je vous raconte ça et on a eu l’air d’avoir jasé toute la
journée, mais détrompez-vous. Nous nous sommes démenés pour permettre à la plèbe
d’exercer son droit le plus fondamental. Dès l’ouverture, il y avait foule. On
faisait la file pour choisir qui sera le prochain à représenter notre petite
circonscription lavalloise. Allait-on reconduire le mandat octroyé à la députée
péquiste sortante? Fort sympathique d’ailleurs, la dame. Plus petite que sur sa
photo de pancarte, quoique perchée moins haute, elle me faisait penser à
Bonnemine, mais teinte en brun. Elle, tout comme le jeunot du parti Libéral,
sont venus serrer des mains. Ce dernier a dit en voyant la canette de thé glacé
format gros cochon de monsieur Mo « Haha! Très bon choix, moi aussi j’en
ai bu en masse au collège». On en apprend beaucoup sur les gens selon qu’ils utilisent
le terme collège ou CÉGEP.
Madame D. elle, n’aurait jamais osé boire son 10 litres de
thé glacé à la table, elle a dû me répéter 23 fois que ça la gênait tellement
de manger son sandwich devant le monde. Elle enviait mon sandwich sur pain
baguette et m’a avoué qu’elle avait choisi de faire le sien avec du pain tranché
parce que ça s’avalait plus vite. En fait, elle a fait ça tellement vite que je
ne me rappelle pas l’avoir vue mâcher. Elle m’en a avoué pas mal des affaires
cette journée-là. Entre autres que sa voisine d’en face, celle qui est là-bas
et qui s’en va voter à l’autre table, ben elle l’a invitée à son mariage et elle
la considère comme sa deuxième mère … « mais comprends-tu, je ne la connais
presque pas! Que veux-tu que j’aille faire là ma foi du Bon Dieu? ». Elle
m’a aussi avoué que son sac à lunch, c’était sa belle-sœur qui lui avait prêté
et que ça n’avait toujours ben pas de bon sens de faire des sacs à lunch aussi
roses. Une vraie belle petite madame.
J’ai été gâtée en p’tite
madame ce jour-là … il y a d’abord eu ma plus vieille. Née en avril 1929. Je lui
ai dit, avec mon sourire des dimanches ensoleillés, que c’était notre électrice
la plus âgée de la liste! Dans un rictus, elle m’a craché au visage qu’elle n’en
avait rien à foutre et que j’avais intérêt à lui sacrer patience, qu’on en
finisse. En fait son dentier était trop
grand, je n’ai rien compris, mais c’est ce que j’en ai déduit. Il y a ensuite eu notre Asiatique, si fraîchement
arrivée que je n’étais pas sûre qu’elle l’ait réalisé encore. Son mari nous a
demandé s’il pouvait voter pour elle. Nous
lui avons répondu non. Il nous a demandé s’il pouvait aller avec elle derrière
l’isoloir pour lui montrer pour qui voter. Nous lui avons répondu non. Il a
compté les candidats, il lui a dit de voter pour le troisième. Elle est allée
derrière l’isoloir. Elle est revenue et a eu l’air de lui demander, « À partir d’en bas ou à partir d’en haut? ». C’est à ce moment que je me suis
pris la tête entre les mains et que j’ai pleuré. Elle est allée derrière l’isoloir et est
revenue. Elle nous a montré son vote pour nous demander si c’était le bon
candidat qu’elle avait choisi. Madame D. m’a regardée, je l’ai regardée, monsieur
Mo a pris une gorgée de thé glacé, nous rêvions tous d’être ailleurs. J’ai eu
une pensée pour Guy Nantel. J’ai expliqué à la dame, en anglais of course,
que le vote devait être secret. Elle a souri de honte, j’ai souri de rage, son
mari a souri de gêne, elle a déchiré son vote au mauvais endroit, il a fallu
tout recommencer. Shit.
À suivre ...
J'ai travaillé à la table d'identification des électeurs cette journée là. J'étais avec une fille qui venait d'Haïti et qui restait au Qc depuis 2 ans. J'ai du lui expliquer que Steven Harper était à la politique Fédérale et non Provinciale. Tout ce qu'elle savait c'est qu'elle ne devait pas voter pour le PQ car c'était un parti raciste....
RépondreSupprimerJ'avais mal à mon Qc...
Ouch. Ça donne parfois le goût d'en prendre certains pis de les brasser un peu, question qu'ils retrouvent la raison.
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