Tout d'abord, une chose est claire dans mon esprit: personne n'est contre la vertu. Tout le monde aimerait un accès plus facile et moins coûteux à l'éducation, cela va de soi. Une société qui prônerait la diplomation du plus grand nombre (non pas en nivelant vers le bas, comme c'est actuellement le cas) s'assurerait une main d'oeuvre de haut calibre, performant dans des secteurs bien rémunérés et créant ainsi un Québec concurrentiel sur le plan international, particulièrement au niveau des secteurs de pointe. Cet argument est souvent mit de l'avant par les associations étudiantes et autres défenseurs du statut quo. Dans un monde sans aucune autre contrainte budgétaire, ou autre variable économique, j'imagine que le Québec, société fondamentalement socialiste et de gauche, favoriserait une éducation de masse à bas prix.
Là j'en vois déjà quelques-uns lever la main dans le fond de la classe et me répliquer un "Oui mais madame...". Attends ton droit de parole le jeune, c'est moi qui parle. Et tu sais quoi, je te vois venir avec ton "de meilleurs salaires engendrent une augmentation des impôts payés à l'État! Dans tes dents la pseudo-économiste fasciste". Ouais, t'as raison. Et tu sais quoi? Une augmentation des salaires des enseignants aussi, engendrerait une augmentation des impôts payés à l'État et je ne met pas le feu au Cégep du Vieux pour autant. J'veux dire, tous les arguments économiques qui pourraient être servis dans ce débat n'aident en rien les partisans du maintient des frais au niveau actuel. Non, nous ne pouvons pas nous le permettre. Nous ne pouvons pas non plus nous permettre de subventionner l'entreprise privée et encore moins d'offrir des ressources à rabais et pourtant c'est ce que le gouvernement fait en ce moment (et ça ne date pas d'hier évidemment).
Mais voilà, selon moi, d'aller chercher des revenus là où se trouve l'argent, dans les poches des grosses corporations et des sociétés étrangères exploitant nos trésors nationaux comme l'eau, le sol ou la forêt c'est une idée en or. Vraiment. C'est après que je déchante. Comment dépenser ces revenus dans le meilleur intérêt du plus grand nombre, selon vous? En permettant une formation post-secondaire (je devrais même écrire post-cégepienne) à très faible prix? Ou en améliorant l'accessibilité aux soins de santé? Poser la question c'est y répondre.
Remarquez, je trouve sauvage l'augmentation drastique telle qu'elle est envisagée en ce moment. Une augmentation moins importante faite sur le plus long terme serait préférable. Cependant je suis d'avis que tous devraient mettre l'épaule à la roue. Les étudiants y comprit. J'ajouterai que les parents des étudiants fréquentant des écoles secondaires privées devraient également mettre l'épaule à la roue et payer plus cher pour une éducation qu'ils ont choisie privée, mais ça c'est un autre débat.
En écrivant ces lignes, j'ai un peu le symptôme de l'imposteur. Mes études ont été entièrement payées par la succession maternelle. Ma mère a financé mes études en chopant le mal du siècle, et c'est avec un chèque puant les métastases au poumons que j'ai pu rembourser les fameux frais. Pour payer le reste, l'appart et la boustifaille, j'ai dû scanner des cacannes pendant près d'une dizaine d'années.
D'un autre côté, je contribue au remboursement du prêt étudiant de l'Homme, qui a payé une vingtaine de mille une AEC de quelques mois. Déjà près de dix ans qu'il paie cette dette scolaire. Dix ans et une montagne de frais d'intérêt qui lui auront permis d'accéder à un emploi valorisant et somme toute payant dans un secteur en pleine expansion. Un revenu sur lequel il paie des impôts. Comme quoi ce n'est pas la faiblesse des coûts qui est le facteur déterminant dans l'accès aux études post-secondaires mais bien la détermination d'accéder à un avenir meilleur. Mais assez de cette tranche de vie qui n'apporte rien au débat.
Pendant que je vous écris ces lignes, je regarde fiston dialoguer avec ses dinosaures et je me demande quel avenir notre société lui réserve-t-elle. Il n'aura pas à payer ses études, ou du moins qu'une partie de celles-ci, puisqu'il aura eut la chance d'avoir des parents croyant à l'importance de la scolarisation et s'étant procuré des REEE. Cependant, il n'aura jamais la chance de raconter à tous ses amis les voyages dans le sud qu'il ne fera pas ni d'expliquer à ses copains la ride de motoneige qu'il n'a pas faite à son chalet. C'est un choix que nous avons fait. La vie est faite de choix alors que l'être humain est fait de besoins. Il faut départager les besoins importants de ceux qui le sont moins afin de faire les bons choix. Peut-être nous reprochera-t-il un jour de ne pas lui avoir procuré le même train de vie que ses pairs, mais ce sera (je l'espère du moins!) avec un diplôme en poche.