mardi 8 avril 2014

La journée avait pourtant bien commencé ...

J'avais bien dormi, étrangement. Je dis étrangement parce que d'habitude, avant un évènement stressogène je dors mal. Je me réveille tout le temps, je regarde le cadran, le coeur serré d'avoir cru passer tout droit. Là, j'avais bien dormi. Je me suis même réveillée dix minutes avant que ne résonne l'alarme, heureuse de pouvoir regarder s'égrainer les secondes avant de m'extirper de la moiteur de mes draps. Je me suis ensuite levée, ravitaillée, douchée, habillée et préparée le sourire aux lèvres. Il y avait même du Coldplay qui jouait dans la salle de bain pendant mes ablutions, c'était définitivement un début de journée de grand champion.

Cette journée-là, je travaillais. Une p'tite jobine, on the side, pour le gouvernement. Après 9 mois d'une maternité épanouissante mais accaparante, me rendre utile moyennant retribution m'apparaissait comme une heureuse occasion de gambader à travers le vaste monde, child-free. Somme toute, il ne semblait n'y avoir que du positif à cette expérience dont l'hypothèse de départ était: "Si une journée commence bien, il n'y a aucune raison pour que les élections du soir même ne finissent mal". Oh que j'avais tout faux. Mais poursuivons plutôt sur notre lancée optimiste. Comme je le disais, cette journée-là, je travaillais aux élections. Je travaillais pour ce DGE qui, quelques semaines plus tôt, avait rassuré la populace: il n'y a rien d'étrange à ce qu'un Ontarien qui ne désire pas s'intégrer ici au point d'apprendre le français tienne tout de même à participer à la vie politique. Ils adorent la politique québécoise les Ontariens, c'est bien connu. De vrais mordus. 

Bref, j'étais une des trois zoufs qui vous accueille lorsque vous venez voter. Celle du milieu, pour être exacte. Ma tâche consistait principalement à cocher d'un petit crochet le nom de ceux qui étaient venus remplir leur devoir de citoyen. J'avais d'autres fonctions aussi, mais aucune occasion de les mettre en oeuvre ne s'est présentée. Je pouvais, par exemple, faire prêter serment à quelqu'un qui, d'après les petits crochets sur ma feuille, avait déjà voté par anticipation. S'il me jurait que ce n'était pas lui, qu'il devait y avoir erreur, que cette journée-là il était chez sa soeur à Sherbrooke et que jamais au grand jamais il n'oserait frauder le système, je pouvais le faire voter. Mais ça ne m'est pas arrivé. 

Donc je me suis présentée ce matin-là, à l'immense église évangélique du coin. Tellement immense, que nous étions dans le gymnase de l'église. T'imagines? Un gymnase dans une église. J'étais pas loin du panier de basket. Pis après on se demande pourquoi les églises catholiques se vident... avez-vous déjà joué au basket entre deux professions de foi vous? Moi j'ai déjà ronflé, rêvassé et somnolé, mais joué au basket? Jamais. Alors ce n'est pas loin du panier de basket que j'ai rencontré madame D. Elle m'attendait, elle venait tout juste d'arriver et avait commencé à ouvrir l'urne pour la vider de ses innombrables enveloppes, scellés et formulaires, dont le précieux A-38. Je me suis présentée, elle était contente de me voir. Ravie serait plus juste. La personne que je remplaçais (on m'a appelée à la dernière minute) avait un nom imprononçable et je crois que ça la rendait anxieuse. Elle était toute délicate, une vraie belle petite madame. Elle ne comprenait pas trop ce qui lui arrivait, elle avait été inscrite par quelqu'un (mais qui, diantre?) et on l'avait appelée. Elle avait accepté et suggéré que l'on engage également monsieur. Alors ils étaient là, tous les deux, pour un gros douze heures d'immersion électorale. Peu de temps après, s'est présenté monsieur Mo. D'origine maghrébine, étudiant à Momo, lui il savait qui l'avait inscrit. C'était maman. Il étudiait en sciences humaines, voulait se rendre à l'université en droit mais devait passer avant par quelques cours en tant qu'étudiant libre pour augmenter sa cote Z. ou R. Je n'ai pas trop suivi. Il a dû faire un "what's up?" à la demie-heure à des "bros" qui étaient venus voter. Il était sympathique, monsieur Mo, apparemment il avait un grand cercle d'amis. Lui sa job c'était de marquer le numéro des électeurs qui venaient voter sur une liste et de transmettre cette liste aux différents partis politiques. T'sais quand ton parti t'achale le jour de l'élection pour te rappeler d'aller voter? Ben c'est en partie à cause de monsieur Mo. Il n'était pas jasant monsieur Mo. Alors la toute douce madame D, dont on se rappelle qu'elle n'aime pas trop ceux qui ont des noms à consonnance exotique, s'est occupée de lui faire la conversation, passionnée qu'elle était de comprendre ce que les femmes voilées pouvaient bien trouver d'agréable à se couvrir ainsi. La journée s'annonçait épique. 

... à suivre.

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